Le terme broadcasting est plus ancien que l’invention de la radio et de la télévision. En 1813, broadcast désignait l’action de disséminer des semences. Son application à la nouvelle invention de la radio dans les années 1920 serait due à des ingénieurs en radiophonie du midwest américain.
Le broadcasting est depuis devenu la transmission unilatérale de signaux vers un grand nombre, une opération « one-to-many ».
Au 21e siècle, le broadcasting est en voie de devenir une notion obsolète, un peu comme l’industrialisation de l’agriculture au 20e siècle a relégué l’image symbolique du semeur solitaire dans les oubliettes d’un passé lointain.
Avant que les organismes de radiodiffusion publique ne subissent le même sort, j’aimerais rappeler pourquoi on les a institués au 20e siècle.
Pourquoi au départ la radiodiffusion publique? Au Canada, la radiodiffusion a été désignée comme un service public parce qu’on a décidé que les ondes hertziennes étaient une ressource naturelle, donc une propriété publique qui devait être administrée par le gouvernement national. Discours du Premier ministre de l’époque au moment de l’adoption de la première Loi sur la radiodiffusion en 1932:
L’usage de l’air, ou l’air même, comme vous voudrez, qui se trouve au-dessus du territoire canadien, constitue une ressource naturelle dont nous avons la juridiction complète en vertu de la récente décision du Conseil privé. (…) Dans ces circonstances (…) je ne pense pas que le Gouvernement aurait raison de laisser exploiter l’air par des particuliers plutôt que de le réserver pour le bien du pays.» R.B. Bennett
Dans un document qu’on peut trouver sur le site de l’Unesco « La radiotélévision publique: Pourquoi? Comment? » (1), on souligne que l’industrie de la radiodiffusion s’est développée selon trois grands modèles:
- Le modèle américain: le pays de la libre entreprise a décidé que la radiodiffusion servirait mieux le bien public si elle était livrée à la loi de l’offre et de la demande.
- Le modèle européen: où on préfère assurer un contrôle étatique sur cet instrument de diffusion de masse, rejetant l’idée que l’entreprise privée puisse s’occuper du bien public. C’est le cas de la France, par exemple, où la radio et la télévision ont longtemps été un monopole d’État.
- Le modèle hybride: basé sur une méfiance envers les vertus du marché, mais également envers une implication trop directe de l’État. On crée une entreprise publique au service des citoyens autant éloignée du pouvoir politique que possible (« at arm’s length »). Développé par la BBC, importé au Canada par la suite.
Qu’il soit déterminé par une entreprise privée, l’État ou une entité investie d’une mission, le contenu diffusé sur les ondes hertziennes est toujours l’affaire d’une structure qui le dissémine à tout vent. C’est la prémisse sur laquelle est fondée, en tout cas ici au Canada, la notion de radiodiffusion publique. Pas étonnant que dans le nouvel univers numérique ouvert à tous les producteurs/diffuseurs, cette notion paraisse si archaïque.
Il faudrait commencer à s’intéresser sérieusement à la net neutrality, un principe qui recoupe tout à la fois les notions de qualité comme de quantité du contenu et de l’accès et aura sans doute des répercussions importantes sur l’univers numérique et ses impacts sur la société. Un peu comme le contrôle des « airs » était identifié comme une obligation gouvernementale au début de la radiodiffusion.
(1) Rédigé en 2000 par le Centre d’étude sur les médias de l’Université Laval à la demande du défunt Conseil mondial de la radiotélévision, qui était présidé par un ancien président de Radio-Canada, Pierre Juneau.
Une réflexion sur “La radiodiffusion publique: l’art et la manière de semer”