Alors, quelles nouvelles de la santé de notre bonne vieille télévision ?
Assez bonnes, si on adopte le point de vue de la revue The Economist dans un dossier spécial publié en mai dernier: «Changing the channel». Pourvue d’une grande faculté d’adaptation, — elle serait l’industrie médiatique qui s’adapte le mieux aux changements technologiques — elle résiste encore très bien aux assauts de la vague internet, au contraire de l’industrie du disque (dévorée par Napster et autres sites de partage de fichiers) et de la presse écrite (purgée de sa source de revenus principale, les annonces classées).
Quelques indicateurs de cette bonne santé :
- L’animal humain a besoin de vivre au diapason de son groupe social. Dans ce nouvel univers de l’infinité des choix médiatiques, les attentes des téléspectateurs se sont transformées. Mais cela ne se traduit pas nécessairement par un changement de comportement. ACB (Actual Consumer Behaviour), une entreprise anglaise de consultants spécialisée en comportement des consommateurs, a observé le comportement des gens devant la télévision et constaté que ceux-ci sous-estiment grandement le temps réellement passé devant la télévision. Malgré toute la technologie rendant possible l’écoute des programmes à son gré, on veut encore vivre les grands événements télévisuels en même temps que tout le monde.
- Les humains, ces animaux sociaux, ont toujours besoin faire des activités en groupe et la famille est encore la «communauté primaire de la majorité». La demande pour des émissions familiales serait en augmentation. La chef de la recherche de MTV attribue cette hausse à la réalité des familles avec deux parents au travail et le besoin de la famille de se regrouper autour d’une activité sociale. La plupart des développements des dernières années promettant une expérience télévision interactive, individuelle et sur mesure (Apple TV, Boxee, Joost, Roku) n’ont pas encore vraiment décollé, sans doute parce qu’ils ne tiennent pas compte de la nature sociale de l’écoute télévision.
Les humains sont des animaux paresseux qui aiment qu’on choisisse pour eux. Même YouTube, ce condensé de tout ce qui menacerait la survie de la télévision traditionnelle, veut des utilisateurs en mode « consommation passive », bref, des patates de sofa. L’usager moyen de YouTube y passe 15 minutes par jour et visionne six vidéos, ce qui lui donne six occasions d’aller voir ailleurs. Le modèle d’affaires étant basé sur le vieux modèle de la télévision, soit la vente de publicité, YouTube (qui n’a toujours pas fait de profits – on les espère pour cette année) a besoin d’utilisateurs qui restent longtemps et n’ont pas trop l’occasion de «pitonner» ailleurs. Comme sur la bonne vieille télévision. C’est pourquoi le service va lancer YouTube Leanback à l’automne. YouTube Leanback aura sa propre adresse et un look différent et surtout, commencera à jouer une vidéo dès que l’on cliquera sur le site. Les vidéos se succéderont sans que l’usager n’ait à intervenir. L’idée est d’éviter qu’il n’ait à faire de recherche ou à cliquer, bref, que YouTube se comporte comme une bonne vieille télévision. Il n’est pas encore très clair comment les choix se feront, mais il semble qu’ils pourront être taillés sur mesure en fonction des intérêts de l’utilisateur. Un service similaire, NowMov (note: je n’ai pas réussi à accéder au site) est déjà en fonction et ce service propose les vidéos les plus re-tweetées.
Ce dernier point est intéressant parce qu’il fait le lien avec l’intrusion des médias sociaux dans l’univers de la télévision. J’y reviendrai, j’ai fait des lectures intéressantes à ce sujet.
À venir également: d’autres nouvelles de la santé de la télévision, mais surtout des communications de masse, vues à travers le prisme du service public. Je me passionne actuellement pour la lecture des présentations et discussions qui ont eu lieu dans le cadre d’un colloque tenu à Amsterdam en 2007 sous le thème « From Public Service Broadcasting to Public Service Media« . J’en rendrai compte quand j’aurai digéré l’essentiel.