Dans le milieu de la télévision on surveille un phénomène qui ravit les uns et fait frémir les autres: le cord-cutting, terme inventé par nos amis les Américains – jamais à court d’images punch – pour désigner les abonnés au services de câble (d’où la « cord ») qui se désabonnent (d’où le « cutting ») parce qu’ils trouvent maintenant tout leur contenu audiovisuel en ligne. Souvent quand on parle du phénomène, on mentionne Netflix et iTunes, bien sûr, mais aussi Hulu et Amazon.
Hulu est un service de diffusion en flux (version OQLF pour streaming) gratuit qui appartient – pour l’instant, des rumeurs de vente circulent – à NBC Universal , Disney (propriétaire du réseau ABC) et News Corporation.
La croyance populaire, qui ne fouille jamais très loin, croit parfois que ce service est disponible ici, ce qui n’est pas le cas: il est « géobloqué », c’est-à-dire que tout ordinateur tentant d’y accéder avec une adresse IP à l’extérieur des États-Unis n’a pas accès aux émissions.

En apprenant cela, la croyance populaire s’imagine que c’est à cause de la réglementation du CRTC qui leur interdit l’accès au Canada.
C’est faux: le CRTC n’a aucune juridiction sur les services diffusés sur internet (j’explique pourquoi dans cet article). Mais c’est tout de même indirectement la faute au CRTC.
Une nouvelle a retenu mon attention cette semaine: la chaîne américaine CBS, qui n’est pas partenaire de Hulu , a un hit avec une série d’été, « Under the Dome« . Cette série, basée sur une nouvelle de Stephen King, est financée en bonne partie par Amazon qui la diffuse deux semaines après ABC sur son service Amazon Instant Streaming. Qui est géobloqué ici.
Mais pourquoi pas de Hulu ou de Amazon Instant Streaming chez nous, me demanderez-vous lecteurs attentifs, alors que Netflix est disponible au Canada?
Tout cela est une question de droits, une question complexe s’il en est une. Et ce n’est pas parce que les services de streaming américains qui sont associés à un réseau de télévision ne veulent pas débourser pour payer des droits de diffusion au Canada (ce que fait Netflix). C’est plutôt parce qu’ils ont tout avantage à conserver un marché distinct des droits au Canada, marché établi grâce à la protection réglementaire accordée aux radiodiffuseurs canadiens par le CRTC et qui représenterait une valeur de 1,4 milliard de dollars en paiements d’affiliation ou en achats d’émissions pour les radiodiffuseurs et les producteurs américains, selon l’estimation d’une étude commandée par le CRTC en 2010.
Comme les auteurs de l’étude l’analysent: « La perte d’exclusivité qui se produirait si les Canadiens pouvaient consommer librement le contenu des radiodiffuseurs non canadiens diminuerait probablement de beaucoup la valeur de ce contenu pour les radiodiffuseurs et distributeurs canadiens ainsi que le prix qu’ils seraient prêts à payer pour se le procurer. » Et en conséquence les profits des radiodiffuseurs et producteurs américains.
Contrairement à ces services, Netflix est uniquement dans la business de location de contenu, que ce soit par l’acheminement de DVD par la poste ou en streaming sur le net. Le service doit donc investir de très importantes sommes dans l’acquisition de contenu afin de conserver sa base d’abonnés, qui, par ailleurs, n’est pas encore assez importante pour générer des marges de profit à la hauteur de celles de son service de location de DVD.
Derrière les croyances populaires il y a toujours une situation beaucoup plus complexe qu’on ne pourrait le soupçonner quand on examine la situation superficiellement.
Si vous cherchez à déboulonner quelques croyances populaires dans votre industrie, n’hésitez pas à faire appel à La Fabrique de sens, l’entreprise qui creuse pour vous!