Internet, médias sociaux

À vos panels, citoyens!

         

Lundi,  je serai au Rendez-vous des médias citoyens, au Palais des congrès de Montréal.        

J’ai un peu hésité à m’y inscrire à cause de mon agacement envers l’utilisation de l’adjectif  «citoyen», dont on use et abuse depuis quelques années, au point de le vider de son sens.        

Déjà, en 2005, Antoine Robitaille relevait dans Le Devoir cet emploi abusif  dans un article intitulé «Citoyen à toutes les sauces».        

  Lire la suite de « À vos panels, citoyens! »

CRTC, Internet, télévision, technologie, web

Apparition spectrale …

La route des hyperliens sur Google est jalonnée de détours inattendus.   Ainsi, en épluchant le « Rapport de surveillance des communications » du CRTC afin d’essayer d’apercevoir l’avenir des communications, j’ai suivi un itinéraire où est apparue l’image de fantôme ci-dessous…

D’un rapport aride du CRTC à une image de fantôme, en quelques clics, la magie du web!

Vous ne voyez pas le fantôme? Ce n’est pas grave, moi non plus! Mais la dame qui a envoyé la photographie au site About.com: paranormal phenomena est convaincue qu’il s’agit de la tête d’un homme avec une casquette qui s’est révélée sur sa photo après qu’elle l’ait prise.

 

Comment un aride rapport du CRTC a-t-il pu mener sur cette piste? Suivez le guide.

Le rapport indique que l’industrie des communications, dans son ensemble, a connu une hausse de ses revenus de 2,1% par rapport à 2008, malgré la récession et la baisse des revenus publicitaires de la télévision traditionnelle (décroissance de 9% depuis 2005 pour la télévision de langue française).

Intéressant… j’explore donc les raisons de cette hausse. Première explication: augmentation des revenus des distributeurs de services de télévision de 7,4 %.  Dans un pays où le taux de pénétration de ces services atteint 90% des foyers, il y a fort à parier que les irréductibles non abonnés ne le seront jamais. Effectivement, il n’y a pas eu une hausse des abonnements équivalente mais plutôt une hausse des revenus par abonnés. La télévision numérique est arrivée à temps pour cette industrie qui ne veut pas partager ses revenus avec la télévision traditionnelle (mais ça c’est une autre histoire – voir mon billet sur la décision du CRTC).

Deuxième explication: augmentation des revenus des services spécialisés, payants, à la carte et sur demande de 6%. Cela est dû à l’augmentation du nombre de services, passé de 148 à 180 en quatre ans (CRTC – Relevés statistiques et  financiers 2005-2009).  Si on prend les 24 heures d’une journée, multipliées par les 30 quelques millions de Canadiens et Canadiennes, divisées par les 26,5 heures passées chaque semaine devant la télévision par la moyenne des patates (de sofa), qu’on jette dans l’équation la centaine d’adopteurs précoces, en file devant l’Apple Store de la rue Ste-Catherine à Montréal à 4 h 30 du matin pour obtenir le premier iPad… on obtiendra bientôt une offre de services de télévision canadiens qui excédera la demande.

Alors, où les quatre grandes entreprises canadiennes de communications intégrées (BCE, Telus, Rogers et Quebecor) trouveront-elles leurs profits dans les prochaines années?  Suivons l’argent: les revenus de l’industrie des communications se sont établis à 55,4 milliards $. 74% de ces revenus provenaient des télécommunications, soit 41 milliards $. En 2009, 41% des revenus des services de télécommunication provenaient des services sans fil.

Autre fait intéressant provenant d’un autre rapport du CRTC (Naviguer dans les eaux de la convergence – février 2010):

En 2008, 74,3 % des foyers canadiens étaient abonnés à des services sans fil55. Bien que la croissance des abonnements ait fléchi, celle des revenus de données demeure vigoureuse. Le revenu moyen par utilisateur (RMPU) est passé de 49 $ par mois pour les services sans fil en 2004 à 60 $ par mois en 2008. Les analystes font porter le crédit d’une grande partie de l’augmentation sur l’utilisation des données pour des services comme le courriel, l’envoi de messages texte, la navigation sur le Web et, de plus en plus, la livraison de contenu audio et audiovisuel.

Pour la livraison de contenu audiovisuel, les téléphones intelligents ont besoin de connexions à haut débit, les réseaux 3G et 4G par exemple.  En 2009, environ 55% de la population canadienne était abonnée à un service 3G.

Et sur quoi naviguent les connexions sans fil à haut débit?  Sur le spectre,  un espace conceptuel sur lequel est organisé et hiérarchisé le phénomène physique des ondes électromagnétiques. La plupart des états considèrent que le spectre est un bien public, une ressource nationale qui a l’avantage d’être inépuisable, mais pas illimitée. D’où la nécessité d’en confier la gestion à des organismes publics. Au Canada, cette responsabilité est exercée conjointement par le CRTC et Industrie Canada.

Est-ce que l’Eldorado de la communication de demain se trouvera dans la mobilité?  Une entreprise comme Rogers, par exemple, s’y prépare : elle contrôle du spectre dans toutes les plus importantes radiofréquences de communication.

Pour l’instant, je ne vois pas le spectre dans la photo, mais je vais continuer à regarder. 

télévision

La radiodiffusion publique: l’art et la manière de semer

Le terme broadcasting est plus ancien que l’invention de la radio et de la télévision.  En 1813, broadcast désignait l’action de disséminer des semences. Son application à la nouvelle invention de la radio dans les années 1920 serait due à des ingénieurs en radiophonie du midwest américain.

Le broadcasting est depuis devenu la transmission unilatérale de signaux vers un grand nombre, une opération  « one-to-many ».

Au 21e siècle, le broadcasting est en voie de devenir une notion obsolète, un peu comme l’industrialisation de l’agriculture au 20e siècle a relégué l’image symbolique du semeur solitaire dans les oubliettes d’un passé lointain.

Avant que les organismes de radiodiffusion publique ne subissent le même sort, j’aimerais rappeler pourquoi on les a institués au 20e siècle.

Pourquoi au départ la radiodiffusion publique? Au Canada, la radiodiffusion a été désignée comme un service public parce qu’on a décidé que les ondes hertziennes étaient une ressource naturelle, donc une propriété publique qui devait être administrée par le gouvernement national.  Discours du Premier ministre de l’époque au moment de l’adoption de la première Loi sur la radiodiffusion en 1932:

L’usage de l’air, ou l’air même, comme vous voudrez, qui se trouve au-dessus du territoire canadien, constitue une ressource naturelle dont nous avons la juridiction complète en vertu de la récente décision du Conseil privé. (…) Dans ces circonstances (…) je ne pense pas que le Gouvernement aurait raison de laisser exploiter l’air par des particuliers plutôt que de le réserver pour le bien du pays.» R.B. Bennett

Dans un document qu’on peut trouver sur le site de l’Unesco « La radiotélévision publique: Pourquoi? Comment? » (1), on souligne que l’industrie de la radiodiffusion s’est développée selon trois grands modèles:

  1. Le modèle américain: le pays de la libre entreprise a décidé que la radiodiffusion servirait mieux le bien public si elle était livrée à la loi de l’offre et de la demande.
  2. Le modèle européen: où on préfère assurer un contrôle étatique sur cet instrument de diffusion de masse, rejetant l’idée que l’entreprise privée puisse s’occuper du bien public. C’est le cas de la France, par exemple,  où la radio et la télévision ont longtemps été un monopole d’État.
  3. Le modèle hybride: basé sur une méfiance envers les vertus du marché, mais également envers une implication trop directe de l’État. On crée une entreprise publique au service des citoyens autant éloignée du pouvoir politique que possible (« at arm’s length »). Développé par la BBC, importé au Canada par la suite.

Qu’il soit déterminé par une entreprise privée, l’État ou une entité investie d’une mission, le contenu diffusé sur les ondes hertziennes est toujours l’affaire d’une structure qui le dissémine à tout vent. C’est la prémisse sur laquelle est fondée, en tout cas ici au Canada, la notion de radiodiffusion publique.  Pas étonnant que dans le nouvel univers numérique ouvert à tous les producteurs/diffuseurs, cette notion paraisse si archaïque.

Il faudrait  commencer à s’intéresser sérieusement à la net neutrality, un principe qui recoupe tout à la fois les notions de qualité comme de quantité du contenu et de l’accès et aura sans doute des répercussions importantes sur l’univers numérique et ses impacts sur la société. Un peu comme le contrôle des « airs » était identifié comme une obligation gouvernementale au début de la radiodiffusion.

(1) Rédigé en 2000 par le Centre d’étude sur les médias de l’Université Laval à la demande du défunt Conseil mondial de la radiotélévision, qui était présidé par un ancien président de Radio-Canada, Pierre Juneau.

télévision

La télévision est le gros gin du peuple

Seth Godin, gourou marketing, ne regarde pas la télévision.  Il a mille milliards de choses à faire qui sont infiniment plus intéressantes, comme de lire un ou deux romans par soirée, ou d’écouter les mille opéras les plus percutants.

Pour appuyer son opinion sur la télévision, il fait un lien avec une présentation de Clay Shirky, gourou internet celui-là, pour qui la télévision est à la révolution numérique ce que le gin a été à la révolution industrielle. J’adore l’internet!  Pas d’autre façon de trouver en quelques clics des analogies aussi percutantes et d’apprendre un peu d’histoire de la société en même temps.  Qu’est-ce que je faisais avant?

La démonstration de Monsieur Shirky est convaincante malgré les déficiences de l’analogie. En quelques mots : la « technologie » qui a facilité la première phase de la révolution industrielle en Angleterre, c’est le gin. Dépassé par la soudaineté et la brutalité de la transition de la vie rurale à la vie urbaine, le peuple  s’est abruti dans une beuverie qui lui a permis de supporter les épouvantables conditions de vie et de travail causées par l’automatisation des procédés de production.  Les institutions associées à l’ère industrielle, la démocratisation de la culture, de l’éducation et de la politique, sont apparues quand l’Angleterre a émergé de sa brume éthylique et envisagé l’urbanisation comme un avantage plutôt qu’une crise.

Et en quoi la télévision est-elle  le gin du peuple? Au cours des cinquante dernières années, le peuple gaspille ce temps libre dont il bénéficie depuis depuis la fin de la deuxième guerre mondiale en s’abrutissant devant la télévision. Mais il commence à émerger de cette brume cathodique grâce à la révolution numérique. Les heures passées à ne rien faire devant un poste de télévision sont en train de se transformer en heures productives à participer, par exemple, à la rédaction d’un article sur Wikipedia, ou encore à un jeu vidéo en ligne.

Cette idée que regarder la télévision est une vaste perte de temps n’est pas nouvelle, on s’en doute. En 1961, le président de la FCC (le CRTC américain), Newton N. Minow, dans un discours (devenu historique) à la National Association of Broadcasters, a comparé la télévision à un “vast wasteland”:

But when television is bad, nothing is worse. I invite each of you to sit down in front of your television set when your station goes on the air and stay there, for a day, without a book, without a magazine, without a newspaper, without a profit and loss sheet or a rating book to distract you. Keep your eyes glued to that set until the station signs off. I can assure you that what you will observe is a vast wasteland.

You will see a procession of game shows, formula comedies about totally unbelievable families, blood and thunder, mayhem, violence, sadism, murder, western bad men, western good men, private eyes, gangsters, more violence, and cartoons. And endlessly commercials — many screaming, cajoling, and offending. And most of all, boredom. True, you’ll see a few things you will enjoy. But they will be very, very few. And if you think I exaggerate, I only ask you to try it.

Près de cinquante plus tard, on peut presque dire la même chose de la télévision d’aujourd’hui. Pas étonnant que les influenceurs américains la dénigrent  ainsi. Il est intéressant de noter que les États-Unis sont pratiquement le seul pays industrialisé à ne pas avoir de système de radiodiffusion publique comme on l’entend ici: une institution forte mandatée et financée par le gouvernement pour offrir une programmation diversifiée d’intérêt public qui s’adresse à l’intelligence et au sens civique des citoyens. Le pays de la libre entreprise a laissé le marché s’occuper de l’intérêt public, ce qui s’est traduit par: ce qui devrait attirer la plus forte proportion possible du public de la façon la plus élémentaire possible.

À l’Âge de la télévision, les moyens de communication et de production de masse étaient entre les mains de quelques-uns et on pouvait les contrôler par la réglementation afin d’empêcher que le plus bas dénominateur commun ne prévale.

Si nous nous dirigeons vers une ère de prise en charge de ces médiums par la population, d’où viendra le contrôle, mais surtout, quelle forme prendra-t-il?