CRTC, Internet, web

Neutralité du net: la gigue des plombiers

Les plombiers du net peuvent faire giguer les services et les applications flushés dans leurs tuyaux. Grâce à cette Pratique de gestion du trafic Internet (1) et autres PGTI, les fournisseurs de services Internet (FSI) exercent un contrôle sur le métaphorique flot du réseau.  Grâce aux avancées technologiques, les FSI peuvent gérer le trafic en modulant l’accès, ou même en le bloquant, à certaines applications, services ou abonnés.

Au nom de la neutralité du net,  certains voudraient les empêcher de détenir ce pouvoir. Même Peter Pan (et ses amis) s’en mêlent. À preuve, ce site où ils appellent à la lutte contre ces gros plombiers de telcos et cablecos.

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Internet, télévision

Télévision communautaire: réseaux sociaux pré-web 2.0

Bon mon image est peut-être un peu boîteuse, mais c’est le sens que j’ai envie d’ajouter à ce très bon article de Marc Cassivi publié aujourd’hui dans La Presse: L’équipe B de TVA

Je recommande sa lecture à quiconque s’intérresse à l’avenir des médias citoyens.

Ce qu’il dit:

Avec la professionnalisation de la télé communautaire, devenue partout au Canada un ersatz de la télévision commerciale, le citoyen n’a plus la possibilité d’être un participant actif.

Cela m’amène une réflexion: est-ce que ce détournement d’un média qui devait être « la plateforme de libre expression citoyenne » par les plombiers du net présage de l’avenir qui attend les médias sociaux? Je tenterai de répondre en partie à la question dans un prochain billet sur la neutralité du net (sur lequel je planche depuis une semaine).

télévision

La radiodiffusion publique: l’art et la manière de semer

Le terme broadcasting est plus ancien que l’invention de la radio et de la télévision.  En 1813, broadcast désignait l’action de disséminer des semences. Son application à la nouvelle invention de la radio dans les années 1920 serait due à des ingénieurs en radiophonie du midwest américain.

Le broadcasting est depuis devenu la transmission unilatérale de signaux vers un grand nombre, une opération  « one-to-many ».

Au 21e siècle, le broadcasting est en voie de devenir une notion obsolète, un peu comme l’industrialisation de l’agriculture au 20e siècle a relégué l’image symbolique du semeur solitaire dans les oubliettes d’un passé lointain.

Avant que les organismes de radiodiffusion publique ne subissent le même sort, j’aimerais rappeler pourquoi on les a institués au 20e siècle.

Pourquoi au départ la radiodiffusion publique? Au Canada, la radiodiffusion a été désignée comme un service public parce qu’on a décidé que les ondes hertziennes étaient une ressource naturelle, donc une propriété publique qui devait être administrée par le gouvernement national.  Discours du Premier ministre de l’époque au moment de l’adoption de la première Loi sur la radiodiffusion en 1932:

L’usage de l’air, ou l’air même, comme vous voudrez, qui se trouve au-dessus du territoire canadien, constitue une ressource naturelle dont nous avons la juridiction complète en vertu de la récente décision du Conseil privé. (…) Dans ces circonstances (…) je ne pense pas que le Gouvernement aurait raison de laisser exploiter l’air par des particuliers plutôt que de le réserver pour le bien du pays.» R.B. Bennett

Dans un document qu’on peut trouver sur le site de l’Unesco « La radiotélévision publique: Pourquoi? Comment? » (1), on souligne que l’industrie de la radiodiffusion s’est développée selon trois grands modèles:

  1. Le modèle américain: le pays de la libre entreprise a décidé que la radiodiffusion servirait mieux le bien public si elle était livrée à la loi de l’offre et de la demande.
  2. Le modèle européen: où on préfère assurer un contrôle étatique sur cet instrument de diffusion de masse, rejetant l’idée que l’entreprise privée puisse s’occuper du bien public. C’est le cas de la France, par exemple,  où la radio et la télévision ont longtemps été un monopole d’État.
  3. Le modèle hybride: basé sur une méfiance envers les vertus du marché, mais également envers une implication trop directe de l’État. On crée une entreprise publique au service des citoyens autant éloignée du pouvoir politique que possible (« at arm’s length »). Développé par la BBC, importé au Canada par la suite.

Qu’il soit déterminé par une entreprise privée, l’État ou une entité investie d’une mission, le contenu diffusé sur les ondes hertziennes est toujours l’affaire d’une structure qui le dissémine à tout vent. C’est la prémisse sur laquelle est fondée, en tout cas ici au Canada, la notion de radiodiffusion publique.  Pas étonnant que dans le nouvel univers numérique ouvert à tous les producteurs/diffuseurs, cette notion paraisse si archaïque.

Il faudrait  commencer à s’intéresser sérieusement à la net neutrality, un principe qui recoupe tout à la fois les notions de qualité comme de quantité du contenu et de l’accès et aura sans doute des répercussions importantes sur l’univers numérique et ses impacts sur la société. Un peu comme le contrôle des « airs » était identifié comme une obligation gouvernementale au début de la radiodiffusion.

(1) Rédigé en 2000 par le Centre d’étude sur les médias de l’Université Laval à la demande du défunt Conseil mondial de la radiotélévision, qui était présidé par un ancien président de Radio-Canada, Pierre Juneau.

CRTC, télévision

Si j’étais Pierre Karl, voici ce que j’aurais écrit

Pierre Kark Péladeau a publié dans Le Devoir du 31 mars une opinion intutilée « Le courage du CRTC« . En appui à Richard Martineau, qui accusait Radio-Canada de se plaindre le ventre plein (voir mon billet précédent), PKP salue le courage dont le CRTC a fait preuve en prenant soin d’exclure le radiodiffuseur public de sa décision sur la valeur des signaux de télévision.

Si l’objectif de ce papier était de renforcer la stratégie de Quebecor qui consiste à présenter Radio-Canada comme un service public qui a perdu son âme et détourne les fonds publics, je ne trouve pas les arguments présentés très convaincants.  Le lecteur – que j’imagine relativement averti – du Devoir devrait être en mesure de démonter cet argumentaire très rapidement.

Plutôt que de parler des cinq sources de financement nécessaires à CBC/Radio-Canada pour disposer d’un budget global d’exploitation de 1,7 milliard de dollars,  j’aurais dénoncé le fait que ses gestionnaires s’épivardent dans toutes sortes d’entreprises absolument non rentables (bonjour le gaspillage de fonds publics!) comme  des stations de télévision et de radio en français dans des régions où les francophones sont en très faible proportion, des réseaux de radio sans publicité ou encore des services de radio et de télévision en langues autochtones. Ce n’est pas Quebecor qui irait engager ne serait-ce qu’une parcelle de ses 3 milliards de revenus annuels dans de pareilles entreprises!

Rappeler que « l’avenir et la mission des télévisions publiques font l’objet d’interrogations dans la plupart des pays industrialisés » et que « à juste titre, plusieurs États imposent un cahier de charge à leurs diffuseurs publics afin de satisfaire les besoins des citoyens qui s’attendent de la part du télédiffuseur public à une orientation différente de celle des diffuseurs privés. » n’est pas très convaincant non plus. Ça ouvre grand la porte au contre-argument: oui, mais ces diffuseurs ont les moyens de leurs missions, ce que Hubert Lacroix a fait allègrement dans un communiqué publié aujourd’hui:

On nous fait souvent valoir que nous recevons 1,1 milliard de dollars de financement public et que cela devrait suffire. Le fait est que, grâce à ce milliard, nous exploitons 28 services et diffusons dans les deux langues officielles et en huit langues autochtones, sur six fuseaux horaires. La BBC reçoit un financement public de 7,5 milliards de dollars par an, France Télévisions et Radio France touchent conjointement 4 milliards de dollars, l’Allemagne, 10,7 milliards, et PBS et NPR aux États-Unis sont financées par des sources gouvernementales à hauteur de 1,2 milliard de dollars (étude Nordicité, chiffres de l’exercice 2007).

Non, pour ma part j’aurais plutôt fait un parallèle avec le plus grand des pays industrialisés, le numéro uno, les États-Unis où le système de radiodiffusion publique ne se mêle pas de marcher sur les plates-bandes des diffuseurs privés puisqu’il n’en n’a absolument pas les moyens, ni le mandat. Près de la moitié du budget total de 3 milliards de dollars de la radio et de la télévision publiques provient directement des poches des citoyens et des entreprises américaines qui veulent bien y contribuer par des donations.

Certains arguments par contre méritent d’être conservés. Celui du lien entre l’acquisition par Radio-Canada de séries américaines comme Beautés désespérées et le fait que celles-ci sont « sans retombées économiques ou culturelles locales », par exemple. C’est irréfutable, les aventures de ces beautés hollywoodiennes ne procurent aucun bénéfice direct à l’industrie culturelle locale, mais uniquement des profits pour le radiodiffuseur public qui s’empresse de les réinvestir dans des entreprises à haut risque, aux frais du contribuable. Par exemple: mettre à l’antenne des séries dramatiques comme Aveux  ou Belle-Baie, sans tenir compte du peu d’expérience en écriture télévisuelle des auteurs ou encore du fait que la production se fait à l’extérieur du Québec.

Mort d’un réseau public

Pendant ce temps, le réseau de télévision SCN va fermer ses portes en mai.

SCN c’est le Saskatchewan Communications Network, le réseau de télévision éducative public de la Saskatchewan.  Petit dernier des réseaux de télévision éducative provinciaux (naissance en 1991), SCN n’a pas l’envergure d’un Télé-Québec ou d’un TFO, avec son tout petit budget d’opération de huit millions de dollars par année. Sa disparition ne créera pas un grand vide dans le paysage télévisuel.

« SCN provided many important services and we are ensuring those continue, » Tourism, Parks, Culture and Sport Minister Dustin Duncan said. « The broadcast industry has changed drastically since SCN was created nearly 20 years ago. This was long before things like the internet and specialty channels were prevalent in our society. In addition, SCN’s viewership is quite low, and we feel that there is no longer a role for government in the broadcast business. »

Pierre Karl Péladeau devrait s’inspirer du gouvernement de la Saskatchewan. C’est tout simple, il fallait y penser, there is no longer a role for government in the broadcast business.

Au prochain billet, on se demandera pourquoi il y en avait un in the first place.

CRTC, télévision

Ceci n’est pas une autre opinion sur la décision du CRTC – ou peut-être que si après tout

Tout a été dit et son contraire sur la décision du CRTC de permettre aux télévisions généralistes privées de négocier une entente avec les entreprises de distribution par câble et par satellite afin d’établir une juste valeur pour la distribution de leurs émissions. Je n’ai certainement pas l’intention d’en rajouter.

J’ai plutôt envie de signaler la panoplie d’opinions émises au sujet de cette décision et de ses impacts. Nous avons Richard Martineau, le chroniqueur pas du tout influencé par les intérêts de son employeur principal, qui en profite pour railler la déception de Radio-Canada et réitérer qu’avec plus d’un milliard de dollars en subventions du gouvernement, Radio-Canada joue déjà dans les plates-bandes du privé.

Il y a l’opinion assez majoritairement exprimée par les éditorialistes : les consommateurs seront les grands perdants de cette décision. Voir « Décision du CRTC – arbitre  fantoche « de  Marie-Andrée Chouinard dans Le Devoir, pour une opinion « haut de gamme » ou, à l’autre bout du spectre, «  Voulez-vous payer plus cher pour la télé? de Robert Savard (auteur d’une chronique Opinions sur le portail Sympatico.ca) et les commentaires qui l’accompagnent (Pourquoi les consommateurs devra toujours payer pour des imcompétants (sic), des personnes qui n’ont rien d’autres à faire que d’augmenter à peu près tout ce qui se trouve encore abordable. Ma décision est prise, pas question que je paie + que maintenant..)

Le rapport « Conséquences et pertinence d’un système de compensation pour la valeur des signaux de télévision locale«  qui accompagne la décision,  explique comment le CRTC en est arrivé à croire qu’une augmentation de la facture du câble n’aurait pas un impact très important:

(…) tant les niveaux d’abonnés que les revenus d’abonnement moyens par abonné des EDR ont augmenté de façon constante depuis 2002. (…)  les revenus d’abonnement moyens par abonné (pour le service de base et les autres), [ont atteint] un taux de croissance composé de 5,6 %. Au cours de la même période, le nombre total d’abonnés à des services de télévision d’EDR a augmenté chaque année sauf en 2004, passant ainsi de 9,3 millions à 10,9 millions d’abonnés, pour une augmentation totale de 17,2 %.

Le Conseil note toutefois qu’il est assez difficile de prédire les réactions des consommateurs, dont la colère peut avoir été attisée par les campagnes très efficaces des distributeurs et des radiodiffuseurs.

À mon avis, cette question de l’abordabilité de la télévision sera de moins en moins signifiante. Tout ceci, ce n’est que la pointe de l’iceberg, si je peux me permettre d’abuser de cette image.

Le CRTC a publié en février dernier un rapport très intéressant qui est à peu près passé inaperçu dans la presse francophone à ma connaissance, « Naviguer dans les eaux de la convergence: tableau des changements au sein de l’industrie des communications canadiennes et des répercussions sur la réglementation. » 

Je recommande la lecture de ce rapport à quiconque veut tenter de comprendre la très grande complexité dans laquelle le monde des communications navigue aujourd’hui. Ou, à défaut de comprendre, d’en avoir un aperçu assez fascinant.